Le mistral glacé vînt heurter son petit minois un sombre matin d'octobre, adossé à un des grands pins bordant le littoral, Jade suffoqua, persuadée de ne jamais revoir la lumière. Les ténèbres persistaient chaque nuit à l'emporter un peu plus loin dans l'abysse de ses souvenirs, voguant au milieu des âmes de ses chers défunts, et de tout ce sang qu'elle avait versé de ses mains. Dans ses songes, elle s'armait d'une épée en or blanc gravée de son nom et les décapitait en quelques gestes distincts, de là, jaillissait alors des corps de son père, sa mère et sa sœur un liquide noirâtre qui s'évaporait en des milliers de cendres. Froide et silencieuse, elle ramassait ensuite, petit à petit, les tristes lambeaux de sa vie.

   Au plus loin que remonte ses souvenirs, les chrysanthèmes ont toujours résonnaient dans son esprit. L'omniprésence de ces macabres murmures, crispait ses muscles à en perdre le contrôle, chaque autre voix présente était alors un véritable supplice, un bourdonnement torride et strident qui torturait ses nerfs déjà trop à vif.
   Petite, la plupart du temps elle criait, hurlait comme on hurle à la mort, à la mort de tout ceux qui auront le malheur de prononcer un mot de plus, de perdurer cette épouvantable souffrance qu'est de se battre contre soi même, contre ce qu'on a là, à l'intérieur de soi. Et puis il faut prier, comme disaient ses vieux, espérer de tout son cœur en des migraines chroniques un peu trop violentes, une petite défaillance éphémère qui finira par s'arranger avec le temps.
Tu parles, c'est pas du temps qui lui a fallut à Jade, c'est du courage.
   Bercée au pays des cauchemars, accusé de folie et de démence, le vilain petit canard à le bec solide. Ricoches les moqueries, les injures et les pierres, la poussière de fées anéanti tout les maux. Ils peuvent bien la renié, la cacher ou l'insulter, il y a les abeilles de verres et les petits soldats blanc qui calme ses démons, et lui fichent des étoiles dans les yeux aussi. Mais paraît que c'est pas trop bon pour elle. En même temps pour qui ça peut être bon de prendre ces drogues-là ? Andy disait toujours que ça craignait rien. Elle l'avait rencontré lors d'une de ses longues balade nocturnes, où l'herbe et le crack l'aidaient à apaiser ses "épisodes" d'envies funestes. Une trace éclair contre un sourire, la porte vers les cieux. Il entra en elle comme les premières lueurs du matin, en brillant d'une douceurs si enivrante, qu'il la ramena à la vie. Fini le stressant vacarme monotone, il n'y avait plus que son parfum mêlé de novocaïne qui rythmait ses pensées.

   Pupilles dilatés, cœur-tambour, poches cernées et amour passionné.
Leurs nuits furent blanches et intrépide. Jade s'échappait chaque soir de sa prison familial pour s'éprendre aux bras de son romantique junky. Parcourant les mondes imaginaires à bord du "Lucy's Sky Diamonds", virevoltant entre les champignons, les smarties et les smyleys. La vie lui offrait là une toute nouvelle opportunité, celle de pouvoir goûter au bonheur.
   Au diable l'éducation, le savoir-vivre et les idées saines. Elle valsait sur les sentiers interdits comme vous défileriez dans un champ de coton. L'âme en paix, le cœur léger et la furieuse envie d'avancer. Mais tout effet planant fini un jour par retomber, et on peut dire que Jade s'est sévèrement ramassé la gueule cette nuit là. Il n'eut fallu que de peu, pour que ce qu'elle avait si douloureusement fait taire, resurgisse en elle en des centaines de giclées de sang.
Et c'est exactement ces événements là qui lui restaient encore flous, comme voilés, et qui refirent une énième fois surface en ce petit matin d'automne.


Maman et Lisa crient, Papa tiens le fusil.
Un bruit m'éclates les tympans et réveille mes tensions.
Andy à trou dans la poitrine.
Du sang, il y a du sang de partout.
Je pleure, j'agonise, mes entrailles se tordent et s'enflamment, quelque chose se meurt en moi. Une vague d'anéantissement me noie tandis que j'essaye encore de le garder avec moi.
J'ai beau le serrer aussi fort que je peux, ses yeux finissent par quitter les miens.
S'en va alors mon héros pour toujours.
Encore du sang, du sang glacé cette fois.
J'ai mal.
Vient la haine, le chaos, l'adrénaline.
Et tandis que je guette l'étincelle partie a jamais, emportant avec elle tout mes sentiments les plus purs, la rage s'empare de moi.
Mes yeux s'ouvrent.
Les corps gisent sur le sol ensanglanté.
Je tremble de froid.
Les heures passent et le rouge vire au noir.
Il est temps de s'en aller.

   Bientôt les sirènes virevolteront autours de moi, le cliquetis des menottes viendra se refermer sur mes poignets cupides. Et ils m'emmèneront au contacts des miens, les jeunes criminels névrosés.

   J'absorbe une dernière fois la puissante liberté de l'aurore, la fraîcheur des petits matins, ou hier encore, tu tenais ma main.

Andy avait commencé à choper ce truc qu’ont les adultes, une sorte de « raison » incompréhensive . Il se plaisait à parler de stabilité et de conformité. De toutes ces putains de règles qui me file la gerbe.
On nous inculque une marche à suivre, on nous endoctrine de normes à respecter et modèles de réussites universels. Mais je sais bien que j’tiendrais pas la route. Pour les gens comme moi il n’y pas de fin heureuse, pas d’issue possible.
Il voulait pas comprendre que je renterais jamais dans le cadre, a cause de ces cris dans ma tête. Que maintenant que j’avais franchi les barrières du raisonnable, c’était terminé, il n’y avait plus de marche arrière possible. C’était moi ou le reste du monde, et, il m’aimait mon Ange, plus que tout.
Alors j’ai fini par le convaincre. Le convaincre d‘abandonner ses rêves de mouton pour partir à la découverte du monde. On se serait envoler pour le Canada pas longtemps après qu’Andy eu parlé avec mon père, il lui aurait expliqué comment l’adulte responsable qu’il était allait prendre soin de sa fille et l’emmener loin de cet enfer. Et puis on aurait continuer notre apogée à l’aveuglette, entre valium et ecstasy.
Selon mes plans, mon père aller acquiescer un peu perplexe, mais content de se débarrasser du boulet de sa vie. Seulement j’ai peut être oublié quelques détails dans mon élaboration.
L’amour qu’Andy  me portait l’a conduit à sa perte.
Papa à tiré mais c’est moi qui l’ai tué.

Vous avez vu comme le ciel est gris ? Pourquoi faut-il toujours que les choses soient noires ou blanches ?  
Les bons d’un coté, les méchants de l’autre. Les mots justes pour les choses justes. Pourtant les nuances tremblent, on est envahi de ces petits papillons et leurs effets.
Peut être est-ce la douleur qui m’a guidée jusque là. Ou peut être est-ce l’épouvantable tourbillon de la vie, le mélange des actes et  leurs conséquences. Les mauvaises personnes au mauvais endroit.
Vous savez, je persiste à croire qu’élevée dans un palais de coton, j’aurais pu devenir quelqu’un de bien.
Mais quand le monde ne répond pas à vos attente et que vous ne pouvez pas entrer dans le moule, c’est la chute libre vers les abysses.

La drogue est ma seule source d’espoir, de vitalité, de paix intérieure.
Elle éteint les angoisses d’hier et me promet un meilleur lendemain. Je plane dans un ciel d’amnésie ou rien, absolument rien ne m’atteint.
C’est mon héroïne, ma sauveuse. Les pilules foutent au placard mes idées noires et détruisent le moindre souvenir hanté. Parce que quand je me risque à y songer, je me perds.
On m’a arraché la moitié de mon âme, je me suis ôté de ce qui semblait être une famille et puis les cris satiriques ont disparus. C’est à ni rien comprendre, je ne sais plus où j’ai mal.
La solitude m’accable. De douloureux chrysanthèmes fleurissent un peu partout sur mon corps. Leurs parfums cruels déclenche de fréquentes crises de manque.
L’amour est mort et moi j’en crève.