et sous le fardeau des maux, la gamine désillusionnée avant l'âge s'abandonne à la torpeur de l'interdit.
quelques gouttes amères glissent sur la pâleur translucide de ses joues, rougies par la souffrance battant en elle d'une indolence infinie. certains leur donne le nom de larmes, elle, elle leur accorde la déplorable signification de démence.
la démence d'oser souffrir, alors que la vie, cette unique chance de réussir bat à tout rompre, d'un rythme léger et fluide, pourtant si sublime dans l'aube naissante du matin.
elle se dit, en un murmure caressant ses lèvres bleuis par le froid de l'hiver,
pourquoi ? pourquoi ne peut-elle pas simplement sourire, prétendre au bonheur illusoire ? l'ange aux cicatrices à vifs a tant de fois recherché cet idéal au sommet des étoiles, a tant de fois tendu la main, d'un désespoir saisissant, affligeante mendiante étalée dans son propre désenchantement mortel.
pourtant, il y a quelque chose de brisée en elle. son cœur a éclaté en des milliers de lambeaux de verres, se nichant au creux de ses entrailles vermeilles. et de ces morceaux éparpillés, elle en ressent toute la douleur qui vibre à chaque mouvement, aussi délicat soit-il.
peut-être n'est-elle que dépendante à cet état de mal-être quasi-constant, pesant sur elle tel un fardeau, l'emprisonnant entre les astres les plus noirs de son soi.
ou peut-être en est-elle si dépendante qu'elle ne peut s'empêcher de consommer ce qui constituera indéniablement, la fin de son règne.
peut-être, probablement, en aucun cas. elle ne sait pas vraiment, naïa. elle n'est qu'un hurlement parmi des milliers, léchant le sol jonché par la poussière des défunts, tombés sur le champ de bataille de cette fatale existence.
elle, tout ce qui l'intéresse, la brûle au creux de son être langoureux, c'est ce besoin d'oublier cette fleur de sensibilité laminant sa chair carmin, oublier sa peau marbrée contre la sienne, son souffle dessinant les courbes de son corps, ses mains rugueuses jouant de sa timidité maladive et ce sourire narquois peignant son visage haineux, dénué de toute empathie particulière. tout ce qu'elle souhaite la poupée de cire, c'est effacer les derniers souvenirs peignant sa mémoire désabusée, délaisser au loin tout ce qu'il lui a fait subir, tout ce qu'il lui a pris, comme ça, sans rien dire, sans un pardon, un soupir, un simple rire. il résonne encore, écho glacé dont elle ne peut séparer.
à moins de succomber,
abdiquer,
enterrer ces reflux de sentiments nacrés.
alors, l'enfant déchue a abandonnée son regard dans tout ce blanc, cette poussière de fée miraculeuse, et s'est envolée entre les désirables abysses de l'oubli.
et soudainement,
le monde paraissait plus vaste, plus beau, magnifiée de part en part, de lieu en lieu.
et elle, elle était plus que la gamine perdue, ne parvenant à se défaire d'un passé malaisé, la jeune fille embarrassée de sa cruelle faiblesse.
parce qu'à présent, elle devenait reine de ce royaume de cendres. déposez sur son crâne un diadème d'épines, naïa la vaillante n'en ressentira jamais la souffrance. son corps ne vibre plus que de tons chauds, en contraste avec la morsure glacée de l'hiver. son être ressent uniquement cet élan de pouvoir l'étreignant doucereusement, exquise étreinte comparable à la caresse du soleil sur sa peau de verre.
elle a envie de se déchaîner, de beugler, de hurler, entre les ruelles obscures de la ville,
je suis en vie !et elle l'est, enfin, pleinement en vie, savourant les délices de l'euphorie. les pieds sur terre, la tête dans les nuages, mais incontestablement vivante. naïa, elle comprend enfin la folie des cœurs sauvages, la folie des âmes frivoles, la folie d'un monde pleins de sons, pleins de rires, qu'elle ne pouvait discerner autrefois.
pour la première fois de son existence, elle a le sentiment d'appartenir à l'engrenage de l'humanité, le sentiment de le sentir frissonner contre son esprit paraissant furtivement immortel.
jusqu'à ce qu'elle comprenne, qu'elle ne peut pas même oublier son passé sous les délices de la cocaïne.
elle réalise alors où elle se trouve, devant son ancienne maison, à elle et à
lui.
lui qui lui a tout pris, son innocence d'adolescente.
elle a grandi trop vite, souffert trop tôt, compris trop tard.
elle est là, devant chez lui. spectatrice de ses propres actes, elle entrevoit sa main cogner contre cette porte abrupte qu'elle franchit tant de fois, autrefois.
naïa, ne se comprenant soudainement plus elle-même, entend les bruits de pas dans le couloir, des pas trop lourds, trop sûrs. sa raison lui dicte de courir, de fuir, d'écouter les vrombissements de sa peur. mais, une autre voix en elle, rugit de plaisir face à la porte s’entrouvrant sur sur ignoble visage.
le visage d'un monstre vivant en toute impunité.
le visage débarrassé de tout remord, de toute considération.
face à ce spectacle déroutant, une partie d'elle s'est éveillée. plus violente, plus présente, plus terrifiante. grondant en elle, ses démons ont entrouverts les yeux, prenant possession d'un corps perdu dans cette fourmilière de sentiments.
naïa la domptée a pourtant gouvernée ses poings, les abandonnant sur la factice perfection de ses traits de loup affamé.
dans le silence de la nuit, un craquement résonna, éclair frappant plus d'une fois au même endroit.
sublime rivière de sang, à la clarté erronée, s'écoulant sur le bitume givrée savourant les représailles de la colombe vengeresse.
jamais cette ange funeste ne regretta son geste, abandonnant toute sa rancune accumulée en elle depuis tant d'années, sur son corps laminé par sa hargne sans pareille.
la hargne de la désaxée, la violence de la camée, la vengeance de l'abusée
et peu importe que le reste du monde l’ampute de ses ailes, personne ne sera capable de lui faire regretter,
l'intensité de sa révolte irisée.
combattant le feu par le feu, le monde ne demeure plus qu'impénétrables nuages de fumées, plongeant l'anarchiste dans une pénombre immuable,
la pénombre de son âme.