Maman est partie. Elle a claqué la porte, te laissant seule et malheureuse. Papa te prends dans ses bras, il te dit qu'elle va revenir, que tout va bien. Mais t'es pas bête, tu sais que maman elle est partie pour toujours. Elle ne t'as même pas dis au revoir, elle n'a même pas eu un regard pour toi. Les jours passent, les mois, quelques années. T'es grande maintenant, t'es la petite princesse à son papa. Puis quelqu'un sonne à la porte. C'est elle, tu la regardes, elle te regarde et s'excuse, des milliers d'excuse. Elle t'enlace, tu la repousses. Tu étais très bien seule avec ton père, pourquoi elle revient, pourquoi maintenant ? Tu ne l'aimes plus, tu la détestes. Papa est heureux, il est amoureux. Il t'oublie, un peu au début et puis complètement.

Tu souris trop Alma, tu souris trop pour être vraiment heureuse. Mais c'est tellement plus simple de porter un masque, de mentir et de dire que tout va bien lorsque quelqu'un te demande comment tu vas. Les jours se suivent et se ressemble, tu enchaines les heures de cours, les profs te reprennent car tu regardes par la fenêtre. Tes notes sont bonnes, mais tu pourrais faire mieux. Alma, il faut faire mieux, c'est pour ton avenir, tu comprends ? Mais toi tu t'en fou, ton avenir est déjà tout tracé. Papa est avocat et tu le seras aussi, même si tes notes ne sont pas assez bonne. Papa fera un chèque et toutes les portes s'ouvriront devant toi.

C'est vendredi. Tes copines sont là, elles sont jalouses de toi, de tes fringues. Peu importe, tu les laisses piocher dans tes affaires, tu leurs prêtes ton maquillage. Toi tu te fous de tout ça. Toi t'as juste envie de partir, de disparaître. Mais tu enfiles quand même ta nouvelle robe, tu mets du noir autour de tes yeux, un peu de rouge à lèvres et tu pars avec tes copines. Les rues sont sombres, t'as du mal à tenir sur tes talons. Le monde tourne un peu trop. Tu parles à des gens que tu ne connais pas, tu sens des mains se balader sur ton corps. C'est pas grave, rien n'est grave. Des yeux bleus te scrutent, tu souris. Tes doigts glissent entre les siens. Il est beau, juste beau. Ça te suffit pour te retrouver dans ses bras, ça te suffit pour oublier ton chagrin.

Tu rentres chez toi, ta mère est là. Elle t'attend, elle crie, elle te hurle dessus, te dis des saloperies. Elle est malade cette femme, elle passe sa journée au lit et prend des centaines de pilules de toutes les couleurs. Tu ne lui parles jamais et elle non plus. Elle crie encore, tes oreilles brûlent, ton sang bouillonne. Elle te jette son verre d'alcool au visage. C'est trop, beaucoup trop. Le premier coup part, ton poing s'enfonce dans son visage. Ton monde vacille, encore une fois, toi aussi tu cris, tu laisses sortir la rage. Tu ne contrôles plus rien, tes coups sont de plus en plus forts. Ta mère est sur le sol, toi au dessus d'elle. Elle ne dit plus rien, elle te regarde avec ses yeux grands ouverts. Des mains t'arrachent d'elle, ton père te regarde, livide. Tu l'entends parler au téléphone. Tu recules, tu montes dans ta chambre et tu t'écroules.

Te voilà dans cet endroit. Tu ne comprends pas pourquoi t'es ici, toi tu veux rentrer, retrouver ton lit, ton intimité. T'aime pas cet endroit, t'aime pas ces gens, t'aime plus rien.

non, parce que la vie en communauté ce n'est pas vraiment mon truc. j'aime avoir mon petit coin à moi, faire ce que j'aime seule. Sauf qu'ici il y a toujours quelqu'un pour venir te parler, il y a toujours quelqu'un qui te regarde et ça j'aime pas, j'me sens surveillée, j'aime pas. J'ai du mal à me l'avouer mais ma vie 'd'avant' me manque, mes fausses copines me manque, ma chaise de cours me manque, mon père me manque.

je me suis souvent laissé marcher sur les pieds, par beaucoup trop de gens. c'est surement pour ça que parfois je m'énerve, parfois je ne me contrôle pas tout à fait. j'aurais dû dire non, plus souvent. j'aurais dû dire non à mon père, non à ma mère, non à cette pétasse, non quand j'ai fumer un joint pour la première fois. Non, non et encore non. P'être que c'est pour ça que j'me retrouve ici. Si j'aurais dis non à ma mère, si j'aurais su l'affronter plus tôt p'être que je ne l'aurais pas défigurée, p'être que je ne serais pas ici.

je sais que papa est derrière moi, il me surveille. Je sais qu'il n'est pas serein de me voir ici, que s'il m'arrive quelque chose il viendra me chercher dans l'heure qui suit. mais peu importe, l'argent ne fais pas tout. et non je n'ai rien de différent par rapport aux autres, à part que je cache bien mon jeu, je ne suis pas si calme et innocente que j'en ai l'air.