Il était une fois, mais je vous préviens, cette histoire n’est pas belle à lire. Elle n’a pas de fin heureuse. Pourquoi  c’est toujours la même chose ? Pourquoi la princesse finit-elle toujours avec le prince charmant et de beaux enfants ? Pourquoi les méchants sont-ils oubliés ? Pourquoi ils meurent ? Pourquoi on ne leur laisse pas une seconde chance ? Est-ce vraiment ça la vie ?

Moi aussi je voulais devenir une princesse.  Je disais toujours à maman.
Je disais que je serais la plus jolie des princesses
Avec un diadème de diamants rouges,
Robe rouge, écarlate. La plus belle des couleurs à mes yeux.
Je serais une princesse. Je répétais inlassablement.
Mais j’étais une princesse oubliée, délaissée, éclipsée.
Royauté qui ne pouvait rayonner,
Eclipsée par cet autre moi.
Ressemblance. Comme deux gouttes d’eaux.
Même faciès. Même sourire, même rire.
Impossibilité de coexister.
Tant elle m’a tout pris.
Tant elle m’a tout volé.
La haine gonflante dans mon cœur.

On en vient à détester cet autre
Qui a partagé neuf mois le même cocon que nous.
Elle était la préférence de tout le monde
Plus jolie
Plus gentille
Plus douce
Plus heureuse.
L’autre est trop impulsive
L’autre est trop égoïste
L’autre est trop triste
L’autre est trop morbide.
Oui, j’ai commencé à me démarquer
Tatouages, piercings, nouveau style
C’était juste physique
Juste pour perdre cette gémellité  
Marginalisation, égoïste enfant
La haine ne se taisait pas
Ni dans mon cœur
Ni dans ma tête.

Il y a eu la goutte d’eau
La haine a sorti les crocs
Tout ça à cause d’un garçon.
Il a fait boum boum à mon cœur
Mignon garçon, mignon mignon
Un regard à la volée
Un frôlement, un contact
Un sourire
Quelques paroles échangées
Mon cœur s’est envolé.
Premier amour.

Retour à la maison
Enfer permanent
Maman ignorance
Papa absence
Jumelle de l’horreur.
Ce jour-là, je n’aurais même pas dû rentrer.
Je les ai vus s’échanger un baiser
Langoureux à vomir
Le garçon que j’aurais pu tant aimer
La fille que j’ai tant détestée.
Vision dégoûtante.
Le cœur qui pleure des larmes
Sanglantes.

Peu après, il est parti.
Sans même m’adresser un regard
Le mien était haineux.
Mais ce n’était pas à lui que j’en voulais le plus
Elle m’a regardé avec son habituel sourire
Innocent.
Elle m’a demandé
Comment tu vas ?
Comme si ce qui venait d’arriver était banal.
Question restée en suspens.

La suite s’est passée dans un silence
Des plus mortels.
La bête s’est délivrée d’elle-même : Haine.
J’ai agrippé son bras
Je l’ai presque disloqué.
Je l’ai trainé à l’étage
Vite, rapidement.
Claquage de porte.
Je l’ai assise sur le lit
On va jouer à un jeu
Le jeu du foulard
Tu verras
C’est drôle.
Innocente. Ignorante.
Pardon
Conne comme ses pieds
Elle a accepté.
Deux foulards
Un sur ses yeux.
Je lui ai dit de compter
Jusqu’à cent. Ou mille.
Un, deux
Trois,
Quatre.
Doucement, le foulard sur sa gorge
Cinq, six.
Doucement, le nœud se serrait
Sept , huit
Neuf, dix.
Des griffures sur sa gorge
Etouffement
Bleu.
Serre encore
Violet.
Serre.
Blanc.
Quelques gouttes écarlates au sol.
Âme envolée.
Pas de place pour coexister.
Jusqu'au bout elle m'aura tout volé
Même morte elle ne m'a pas laissé en paix
Liberté brisée.

Je ne serais jamais une princesse.

Je ne sais pas. C'est étrange. Je sais que j'ai fais quelque chose de mal. Mais, je n'arrive pas à mesurer, à comprendre la gravité de mon acte. Pour moi, c'est une simple vengeance. Ou alors, j'ai serré un peu trop fort. Dès que l'on m'en parle, tout se mélange dans ma tête. Tout devient flou.
Je sais juste que je n'ai aucun regret.

Un mois que je suis là. Ils ont tous une histoire différente, tous un passé différent. Personne ne peut se sentir à sa place ici. Mais tout le monde peut se sentir ré-exister de nouveau. Un petit peu.

Pourquoi changer ? C'était juste une simple vengeance. La vengeance est un sentiment humain. Je pense avoir fait ce que j'ai à faire. Alors je ne sais pas pourquoi je devrais changer... mais si vous le dites. Je ferais quelques efforts.
Est-ce que je peux y aller maintenant ?