plus d'air. c'est morne, c'est sombre, et ça pue l'ennuie. tout ce qu'il y a de respirable a été usé, et il ne reste plus que les bribes de notre souffle vétuste, que l'on nous laisse consumer. on fait les poubelles pour nourrir nos poumons souffrants. cet air irrespirable, pollué par les idées pas nettes de gamins sans but ni raison. une bande de cons que l'on héberge par pitié, parce que malgré notre esprit dérangé on est des Hommes, alors y paraît qu'on mérite de (sur)vivre. mais t'sais, ça les aurait bien arrangé ces enfoirés d'en finir avec nos corps frêles, usés par ce qu'on appelle le désespoir. pourtant on en manque pas, d'espoir, tu sais. pourquoi tu crois qu'on serais encore en vie sinon ? eux, tout ce qu'ils voudraient c'est de nous euthanasier comme des chiens enragés. ça se voit dans leur regard méprisant. parce qu'au fond… on est rien, on ne représente rien, on ne vaut rien, et l'on a plus rien à promettre. nous sommes des corps sans âme. des corps sans esprit. des corps sans vie. des vies sans corps. errant à leur triste sort, résistant face aux coups que lui porte le temps. sans aucune reconnaissance. nous ne sommes plus que de pauvres marionnettes dont le fil qui nous fait tenir sur nos pieds se nomme espérance. et il suffit que quelqu'un le coupe, ce putain de fil. alors tes genoux cèdes, tu t'écroules. et tu tombes, loin, dans les méandres de la mort.
noir.
vide.
silence.
rien.
plus de souffrance.
enfin.
parfois t'en rêves. mais t'fais pas d'illusion duncan. toi ton fil d'espoir, c'est un câble de flammes. intouchable. impénétrable. tu continueras d'avancer, encore et encore. tu trébucheras. une fois. deux fois. trois fois. quatre fois. cinq fois. et six fois tu te relèveras. alors je marche, je continue d'avancer sur ce bitume déformé. sous les oiseaux qui me défient de là-haut. qui me regardent morfler comme un vieux con. qui me regardent crever. on est un spectacle, nous, les crevards de praesidium. ce morveux de treize ans qui crapote sur cette clope à laquelle il s'agrippe comme on s'agrippe à la vie. cette folle qui secoue le grillage en lui vociférant des insultes parce que c'est de sa faute si elle reste coincé de l'autre côté. cette pauvre blondasse qui se laisse tripoter le cul parce que c'est son seul moyen d'oublier les reste. ce malade qui tente de mettre le feu à une pierre avec un briquet dégueu qu'il a trouvé par terre. cette misérable princesse déchue qui marche tout droit dans le vide, sans savoir où elle pose les pieds. elle a le regard vide. elle ne contrôle même plus ses jambes qui s'animent. elle, elle est partie. dans ses yeux, brillent les jours heureux. sous sa peaux, se dissimule son fardeau. celui qui rend son visage terne, celui qui creuse dans sa chaire, celui qui brise ses os. celui qui s'acharne sur elle, comme si elle avait mérité pareil châtiment. comme si la princesse déchue ne méritait pas cette tiare de sérénité qui se tenait autrefois sur sa chevelure. aujourd'hui, la princesse est devenue grenouille. et la grenouille attend le prince. parce que la princesse, elle est toujours là, enfouie quelque part. laisse moi te regarder princesse, encore et encore. parce que toi, j'en suis persuadé, ton prince n'est plus très loin.

une lueur, une douceur.
c't'une fleur
pleine d'ardeur
pleine de splendeur.
et elle crie en silence,
ses pétales en décadence,
elle hurle à la délivrance.
mais où est passée son existence ?
on existe plus, on est mort. nos veines sont déjà saccagées avant qu'on ai put y toucher. mais elle, même lacérée, elle semble subsister. on voit dans son regard cet éclat, cette étincelle, ces braises qu'un souffle suffisait à incendier. le bois était encore humide, humide de fatigue, de malheur et de désespoir. on lisait sa peur, on voyait sa rancœur, celle qui anime son cœur. son cœur qui bat, qui pulse, qui rythme ses pas.
boum.
boum.
boum.
ça s'arrête pas. c'est dur et paisible. amer et sensible. on veut la toucher, on veut la frôler. cette âme satinée. douce et légère. on aimerait la toucher, on aimerait la frôler. laisse moi te caresser des yeux, laisse moi entrevoir ton regard intelligent, celui qui me fait pousser les ailes de la liberté, celui qui fait fondre mes barreaux. je voudrais retirer cette pierre qui entrave tes mouvements. qui te rend si austère, qui t'avale lentement. mais que ça dégage ! mais que ça dégage putain ! ça voit pas que ça la bouffe ? ça lui ronge sa peau lisse, ça dévore ses yeux clairs. moi je veux la voir, je veux la voir encore. je veux espérer avec elle. je veux croire qu'elle réussira, qu'elle vaincra, qu'elle brillera, qu'elle volera. au lieu de ça, elle s’assoit, elle se replie, elle se protège de ses bras. yeux fermés, regard caché. cheveux valsant dans les airs, ils la narguent. ils l'observe lutter. lutter contre elle, lutter contre son fantôme, son ombre, sa douleur. et soudain, une jambe qui s'avance, un pas qui se lance. et les semelles qui se remettent à battre le bitume défoncé. la musique de mes talons qui s'avance vers elle. je veux m'approcher, je veux la comprendre. je veux savoir. pourquoi ? pourquoi ? pourquoi es-tu comme ça ? pourquoi t'es pas comme moi ? je transpire. je transpire. la sueur de mon cœur qui essore sa détresse. qui veut qu'on la voit, qui veut qu'on l'entende. regarde moi. regarde moi je t'en pris. et éponge mon organe de vie en crise. embrasse le, domine le, éclaire le. montre lui que la vie est belle, et que même les roses ont des
é p i n e s .