on parle jamais de la naissance des monstres, toi tu descends des anges. t'es tombé du ciel, tombé des nuages, suicide un peu précoce, un peu raté, dio c'est la naissance du corps et le suicide de l’âme. est-ce que c'est la vie qu'elle t'a donné ta mère ? est-ce que c'est bien certain ? c'est qu'tu la sens pas tellement la vie. dans ta poitrine, ton cœur n'es plus qu'un morceau de chaire flétrissant. c'est qu'au fond t'es né pour mourir, et qu'tu l'sais depuis l'commencement.

t'es tombé dio,
pour ses yeux sans pupilles,
pour ses os en pointes dessous la peau,
pour les sourires adressés au ciel,
pour les mots sans maux dont il te nourrissait.
j'te dis qu't'es tombé dio,
tombé en amour,
pour le couteau planté dans tes reins,
pour la mort en seringue injectée dans tes veines,
tout est la faute d'amen,
tout est toujours la faute des grands.
la vérité c'est que tu pouvais plus continuer comme avant.

t'avais quatorze ans, il en avait dix-neuf. et lui aussi s'était prit dans un drôle d'engrenage. amen amant d'héroïne, drogue des mourants. il a prit ta main de presque-enfant, il a découvert la peau satinée de tes bras. et un garrot plus tard, l'aiguille était plantée sous le derme.
alors t'as connu et ressenti l'extase, tu t'es fais enfant d'héroïne, songes bercés de rêves aux allures de psychedel, t'as plongé entre les draps de morphée, endormis pour longtemps, endormis de bonheur.

l'âme à l'abandon, l'âme à la mer, étendu là sous la douceur des griffes d'héro-H, engloutis et béat, c'est la main d'amen qui tenait la tienne, une prison que tu prenais en réconfort. un amour de non-dit, une appartenance secrète, de damné, un rapport d'ange à démon, c'est lucifer qui t'tenais dans ses bras, qui les prenais tes bras, et tes veines pour des gouffres de stupre.

et puis, et puis plus rien. dio les mains dans la cendre. l'âme à se pendre. à ses pieds c'est un corps ternit de mort, la peau trop bleue, la bouche béate, les yeux clos, ces putains de paupières ne se lèveront plus pour toi. dio maintenant c'est le temps du sevrage, c'est le temps du noir. amen il est mort, l'overdose pardonne pas. jamais. alors dio c'est le temps des larmes de haine, tu t'es rompue l'ame, ton coeur en miettes et les veines trop creuses, trop vides, plus de poudre pour bercer tes songes, plus son corps pour réchauffer le tiens, plus son visage en symbiose en promesse en amour, plus rien d'tout ça, juste un fantôme, planqué dedans, qui fait crisser les chaines, le boulet à ses pieds, juste des souvenirs qui torturent comme un couteau. dio c'ton esprit qu'a pas survécu au drame.

une sirène, des voitures, dio au milieu des uniformes bleu, dio tétanisé d'héroïne devant les policiers, la gueule bien haute, les dents serrées en crocs. il se défend comme un fauve le môme, il a au fond des tripes cette colère propre aux monstres, la rage que t'aime pas voir réveillée. l'adolescent au corps amaigris et grandis, une année, bientôt seize ans
que tu la laisse infiltrer ton âme, et pénétrer ton cœur.
empoisonner tes veines et brûler dans ton sang.

et depuis qu'on t'a ramené chez maman, avec tes bras crasses, pleins de traces,
depuis qu'on t'a ramené, écorchés d'héroïne, et la gueule en ange broyé,
depuis qu'on t'a ramené, dio dessous tes cils, il n'y avait plus que des couteaux.
plus que le désir de mort,
parce que tu l'a pas compris la mort.
la mort cette pute qui te l'a arraché, t'as rien vu venir,
tétais pas là, t'es revenu après qu'elle ait fait son carnage sur son corps,
son carnage dans ton cœur.
en retard, trop tard.
dio la mort elle avait déjà envolé son dernier souffle à ton aimé, à ton maudit.
elle t'a laissé là, sur le carreau, elle t'a laissé K.O,
elle t'a baisé la mort, elle a baisé tout le monde, comme elle fait toujours.
et la mort tu la cherches, comme tu la distribue.
t'espère la retrouver peut être comme ça. elle où lui au détour d'une la(r)me.

le manque de poudre creuse les os, déchire les veines, le manque de poudre rendrait fou n'importe quel junkie. et dio fait pas exception à la règle.
alors dio il a toujours trouvé le moyen de contourner les règles, jusqu'ici ses veines ont pas connu le manque, jusqu'ici, c'était de la rigolade, mais dio il sait très bien qu'il va se tordre entre ses murs, il sait très bien que le poison va le brûler avant de disparaitre, et que durant ce laps de temps, il sera extrêmement chatouilleux des crocs.

dio il entend très mal la voix de la psychiatre. dio il a comme une chanson dans la tête, une chanson lancinante ou un hurlement qui veut jamais s'arrêter, qui lui donnerait presque envie de recouvrir ses oreilles avec ses mains. un hurlement qui tourne en boucle comme une boussole qui a perdue le nord. dio il est pas heureux parce que vivre sans amen c'est mourir un peu tous les jours. dio il se contente de la fixer, la dame en blanc. les crocs en pointes dessous les lèvres, les crocs prêt à mordre ou à tordre. mais les anciens on dû prévenir les nouveaux. après tout t'es qu'un transfert.

le désir d'hurler "N'IMPORTE OU !" et de lui cogner dessus jusqu'à ce qu'elle perde son précieux sourire, ça le démange dio, mais, bien sanglé sur son siège, il sait très bien qu'il ira nul part. le manque gratte sous la peau, dio est nerveux, dio voudrait juste qu'on le remette dans sa cage et qu'on lui foute la paix, qu'il puisse se détruire tranquillement.