La nature humaine n’existe pas, personne ne l’a vu gambader dans les prés.
La bonté humaine est un paradoxe,
tout comme l’amour paternel.
Elle n’en a jamais vu, jamais connu.
Il avait les mains froides, beaucoup trop froides,
froides et charnus, sans amour et regorgeantes de haine.
Ses paumes se posaient avec violence contre son corps chétif,
ce dernier s'écrasant misérablement sur le sol.
Cela bercé dans un décor de bouteilles vides, orné d’une odeur suave rappelant les cuites du samedi soir.
À travers cette face de verre, elle pouvait voir apparaître son visage pathétique;
pleurant,
suppliant,
sanglant,
mourant.
Ses lèvres rouges, entrouvertes, laissaient échapper un cri strident rappelant la douleur qu’elle endurait.
Douleur mordante,
infâme incarnation de son malheureux.
Le mal n’est pas infini.
Alors il est parti, loin, bien loin des blessures qu’il avait commises.
Il l’a laissé seule, seule contre elle-même, seule contre ses démons, seule avec une nouvelle famille inconnue.
De la douceur, de la tendresse, c’est ce qu’ils essayaient de transmettre.
Mais en vain.
La chaleur des mots n’était pas encore suffisante pour réchauffer son coeur glacial.
Elle ne voulait pas se battre, elle savait qu’une quelconque fatalité l’attendait,
là, quelque part.
Différente.
Elle se sentait différente, en désaccord avec ce monde qui tournait avec nonchalance.
Solitude, désespoir, souffrance.
Toutes machines a ses failles,
ses fêlures qui grandissent au fur et à mesure que le temps passe.
Elle rêvait d’anarchie,
d’être son seul et unique maître.
De pouvoir crier à en user ses poumons sans qu’on lui dise que cela est inconvenant.
Doucement, elle s’est réfugiée dans les vices, les vices destructeurs.
Ceux qui l’éloignaient de sa misérable existence.
Les substances s'engouffraient dans son être avec une facilité enfantine.
L’image qu’elle avait des hommes la répugnait.
Il n’y avait que dégoût et mépris à leur égard.
Ils ne méritaient pas de vivre,
elle ne méritait pas de vivre,
personne ne pouvait revendiquer ce droit.
Ses mirettes se posaient davantage sur les jambes délicates,
les peaux laiteuses,
les hanches adroitement dessinées,
les poitrines rondes.
Le corps féminin avait le don de la fasciner, si bien qu’elle se perdait à le contempler.
Toujours dans un silence assourdissant.
Parfois, souvent, avec un esprit honteux, renfermé,
incapable de justifier cette odieuse attirance.
Mais rien ne peut rester éternellement dans les abysses.
Les rumeurs se propageaient aussi bien que l’on sait coucher.
Les moqueries fusaient aussi bien que l’on sait se saouler.
Les humiliations se répétaient aussi bien que l’on sait détruire.
Mais cette fois, cette fameuse fois,
ce fut la dernière farce.
Elle pensait qu’on la comprenait,
elle pensait qu’on l’aimait,
elle n’avait pas vu le mal,
elle n’avait pas vu le mensonge.
Cette fille, la fille de ses désirs,
elle l’avait trompé, dupé.
Je t’aime.
Faux, tout n’était qu’une machination dégueulasse.
Nouvelle source de souffrance.
Alors, elle l’a pris, elle l’a jeté contre les murs,
contre les parois dures de la pièce à l’odeur fétide.
Mais cela ne suffisait pas.
L’origine de sa récente folie devait ressentir ce qu’elle ressentait,
endurer ce qu’elle avait enduré,
supplier comme qu’elle avait supplié,
pour enfin;
mourir.
Ses mains n’étaient plus les siennes,
son corps ne lui appartenait plus,
elle était une autre.
C’est pour cela, oui, c’est pour cela qu’à présent elle est ici.
Pour avoir commis l’irréparable,
ou tout simplement pour la punir de son existence.  

 

Le fait de vivre est un remord.
Le fait d’avoir arraché la vie d’autrui en est un autre.
Mais il y a encore plus fort, quelque chose viscéral,
qui lui prend les tripes à en vomir.
Sa mère.
Jamais elle ne l’a connu, son visage est encore moins qu’un vague souvenir;
Il est inexistant.
Et son nom raisonne comme celui d’un personnage fictif.
Peut-être que si on lui avait permis de la connaître jamais elle n’aurait connu tant de souffrance.
Mais ce ne fut pas le cas.
On a décidé de la priver de cet amour, comme si cela n’était qu’un jeux dirigé par un grand horloger.
Alors la seule chose qu’elle regrette réellement, c’est de n’avoir jamais touché les bras doux et chaleureux de sa défunte mère.

Oui.
Non. Peut-être.
Elle ne pense pas à l’avenir, et qui sait si elle y a un jour pensé.
Le présent est la seule chose véritable, car c’est la seule chose que l’on peut vous retirer.
Son existence rime avec perte, abandon, et désespoir.
Alors imaginer un avenir sans encombre parait impossible.
La tête haute, ou baissée, elle essayera d’avancer.
Certes, avec ambivalence.

Rien, absolument rien.
Le néant.
La liberté est son unique envie, pouvoir respirer sans entrave,
sans panneau interdit.
L’avenir est insignifiant face au présent.
Ne devrions nous pas nous occuper de notre vie active plutôt que de se bercer d’illusions avec un future abstrait ?