Il ne pleure pas.
Non non. Il ne pleure pas. Pourtant. Y a des choses mouillées qui coulent sur ses joues, son nez, son menton. Mais non. Non, il ne pleure pas. Parce qu’il veut pas. Là, immobile. Sans bruits dans la nuit. Là, immobile. Ses poings crispés sur le matelas. Jusqu’à l’arracher. Jusqu’à le détruire. Les phalanges trop blanches. La peau meurtrit par les ongles. Mais, il doit faire ça. Sinon il va… Il doit faire ça. Sinon, ça va exploser, imploser. Tout crispé dans la nuit. Il a le souffle qui devient saccadé. Il ne veut pas. Qu’un sanglot éclate. Il ne veut pas. Parce qu’il va entendre. Qu’il va encore. Le réveillé. Mais, d’un autre côté. Qu’est-ce qu’il s’en fout. Il avait cas pas être là. Oué, il avait cas…

Parfois.
Il aimerait dormir dans les chambres isolées.
Seul avec sa douleur.
Seul avec sa détresse.
Réalité passée devenue cauchemars.
Réalité, qui ronge. Détruit.

On n’avait pas le droit.
Pas le droit…

Puis, le silence se brise. Pas par sa faute. Ça explose. Perce les tympans. Et, le fait un peu sursauter. Ses doigts se resserrent encore plus. Ses dents mordent sa lèvre. Un peu trop. Fort. Le sang coule. Un peu. Et ça explose. Il aurait dû se taire. Il aurait dû...

Sans se redresser. Juste là. Trop prostré, les larmes deviennent sanglots. Les doigts arrachant le drap. Parce qu'il ne veut pas. Pas qu'on le voit ainsi. Non. Non. « T'as gueule ! T'as gueule ! T'as gueule ! » Il hurle, à s'en briser la voix. Il hurle de cette voix encore trop aiguë. Il hurle de cette voix brisée par les larmes. Brisée, comme son âme, son cœur. Brisée. Comme son être, son corps.

Il crie. Il crie jusqu'à ne plus pouvoir. Pourquoi avoir brisé le silence. Pourquoi lui avoir posé cette question ? Opaline voulait rester silencieux. Opaline ne voulait pas parler. Mais, il a tué le silence. Alors il lui crie dessus. Lui demande de la fermer. Parce qu'il ne veut pas. L'entendre. Il ne veut pas. Craquer. Là. Ce soir. Ses sanglots encore incertains retenus dans ses cris. Cris qui se tarissent peu à peu et se taisent quand il l'entend. Encore. Il gémit. Glisse sa tête sous le drap. Les yeux fermés, trop fort. Les draps serrés, trop fort. Il se retient. Se mord la lèvre. Pour se taire.

Silence. Froid. Oppressant. Il englobe tout. Il attrape tout. Pour tirer doucement, vers le fond. Silence oppressant. Combien de temps ? Jusqu'à ce que ça craque à nouveau. Comme le tonnerre. Le sanglot brise tout. Son assourdissant la nuit. Sanglot trop fort. Trop douloureux. Il sort du plus profond de son âme. Alors que pourtant. Il ne veut pas. Craquer. Sinon. Il allait encore faire mal. Aux autres. Comme il se fait mal à lui. Actuellement. Les paumes abimées, les lèvres qui saignent. Il ne veut pas. Il ne veut pas. Mais les sanglots sont là. Déchirants. Trop de mal a été fait. Trop de mal qui ronge, détruit. Opaline ne sait plus. Comment faire autrement. Opaline ne sait plus. Comment vivre autrement. Alors les doigts abîment encore plus.

Il n’arrive plus. A faire face. Les larmes, les sanglots trahissant son mal. Les doigts, les dents s’enfonçant dans sa peau. Jusqu’à blesser. Jusqu’à briser. Mais, qu’est-ce qu’un peu de douleur dans tout ce flot. Incessant. Cruel. Qui l’englobe, l’avale ? Il hoquète et s’enfonce un peu plus dans ses draps. Ailleurs. Autre part. La chambre, le monde qui l’entoure n’existe plus. Il n’est plus là. Envahit par ses démons. Il n’est plus là. Alors, il ne le voit pas, ne l’entend pas. Qui se lève et vient. Qui se lève et approche. Non. Il n’entend pas.

Jusqu’à le sentir. Jusqu’aux bras qui l’entourent. Un sursaut, puissant, violent. Des yeux qui s’ouvrent, trop grands. Sans pourtant voir. Et…Il hurle. Il hurle jusqu’à s’en crever la voix. Il hurle alors que tout son corps se retrouve comme possédé. Se débattant. Violemment, puisement. « Non non non non » Qu’il ne cesse de murmurer dans ses cris de terreurs. Trop aiguës. Enfant qui devient grand. Si seulement. Si seulement.

Les larmes débordent de trop. Les bras continuent de se débattre, donnant des coups ici et là. Peu importe s’ils frappent. Il veut qu’on le lâche. Il crie qu’il ne veut pas. Il est trop loin. Trop prit. Il ne le reconnait pas. Arès. Son colocataire. Pas si méchant avec lui. Non, pas si méchant. Mais, c’est trop tard. Pour venir le chercher. C’est trop tard. Jusqu’à l’entendre. Cette voix. Pas celle de ses cauchemars. Non. Une autre. Ça le fait sursauter. Un sanglot grave manquant de l’étouffer. Les yeux reprenant doucement vie. Les bras cessant de battre l’air.

Oui mais…il le tient encore. Oui mais…il est encore trop loin. « Lâche-moi ! Dégage, dégage, dégage ! » Il continue de crier. Continue de hurler. Parce que non. On ne le tient pas comme ça. Non, on ne l’étreint pas comme ça.

« Dégage ! » Un nouveau cri, un poing qui se lève et tombe. Sur une joue. Le regard revenu. Qu’il est laid en cet instant. Opaline. Le sang sur son menton, les larmes l’inondant. Qu’il est laid. Oui, mais, il est revenu, rien qu’un peu.