Dimanche matin. Il pleut dehors, depuis plusieurs heures. Les nuages gris assombrissent le ciel, la terre, tout, et dispersent une ambiance morose, qui s'infiltre lentement en tous, discrètement. Elle est comme ça, Médiocrité, elle est fourbe, elle prend au dépourvu, elle s'introduit en toi sans bruit, et il est déjà trop tard lorsque tu réalises qu'elle s'est perfidement introduite entre les parois de ton âme. Et, une fois à l'intérieur, une fois qu'elle s'est légèrement faite sentir et que tu es au courant de sa présence, elle agit. Oh, pas directement, elle laisse quand même un temps d'attente, un peu de suspense, juste assez pour que tu commences à douter, à te demander ce qu'elle va bien pouvoir te faire, juste assez pour arriver à détruire ton assurance. Là, une fois que toutes tes défenses sont anéanties, elle attaque. Elle s'empare de toi, brouille tes pensées, tes sentiments, tout. Il ne suffit pas de grand chose, juste un mauvais temps, une journée un peu plus laide que les autres, une seconde où tu t'ennuies un peu plus. Et c'est fait, sans que tu aies pu ne serait-ce qu'envisager de réagir.
Mais elle ne peut pas toujours gagner en un seul coup, ce ne serait pas amusant. Il faut rajouter un peu de piment à l'opération, qui se trouve toujours plus intéressante lorsqu'elle enclenche une bataille. Car, lorsque les deux partis sont sur un pied d'égalité, on se demande ce qui va arriver, comment le combat va finir, et c'est bien plus attrayant, bien plus captivant. Parce que tu as aussi tes forces, tu n'es pas seulement empli de noirceur, on trouve également de la lueur en ton cœur. C'est un tout. Et, parfois, certains de tes traits vacillent entre le bon et le bien. Par exemple, tu ne tiens pas en place : tu ne supportes pas l'ennui, tu ne peux rester à t'ennuyer trop longtemps, il te faut être en activité, faire quelque chose, tout le temps. Et c'est insupportable, ton impatience est très déplaisante. Mais, d'un autre côté, c'est une bonne arme. Elle te permet par exemple de combattre l'indécision, les complexes qui s'insèrent en toi quand tu n'as rien pour t'occuper l'esprit. Oui, tu dois toujours être en mouvement, toujours occuper ta pensée, pour ne pas laisser cette salope de Frustration prendre le contrôle de ton esprit, tout le temps avoir une chose à faire, tout le temps une idée en tête tout le temps, tout le temps, tout le temps.
Tu quittes le rebord de la vieille fenêtre crasseuse de manière assez soudaine, tu te barres de cette salle, tu t'enfonces dans les couloirs. Tu marches, marches, marches, te concentrant sur les bruits de tes pas, seulement les bruits de tes pas, rien que les bruits de tes pas.
Tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap.
Tu fredonnes vite un air qui te vient à l'esprit, le sourire aux lèvres, tout en t'enfonçant dans les méandres de l'institut. Et, tout en oubliant de réaliser que tu te perds dans cette énorme cage, qui t'es si étrangère, tu te délectes de ta victoire. Tu as réussi à la chasser de ton esprit, elle a disparu, et c'est une libération qui se doit d'être savourée. Mais tu évites d'y trop penser, car cela pourrait la rappeler, et tu retournes à tes bruits de pas.
Tu t'arrêtes. Tu regardes autour de toi, réalisant que tu te trouves dans une salle. Une grande pièce, dont tu ignorais entièrement l'existence, avant d'y atterrir. Tu ne sais même pas comment tu t'es retrouvé ici, tu n'a absolument pas prêté attention au chemin que tu prenais. Mais cette pièce est inconnue, et cela t'attire. Cela faisait un moment que tu avais besoin d'un peu de nouveauté, car, avouons-le nous, tu étouffes entre ces quatre murs, même si tu préfères donner l'impression que tout va bien. Tu es un oiseau en cage, un être fait pour la liberté, et être enfermé ainsi te pèse.
On m'a arraché mes ailes.
Mais cette pièce provoque chez toi des émotions agréables, c'est comme une légère douceur qui se faufile en ton cœur, accompagnée d'une dose de mystère et d'étincelles d'émerveillement. Cet endroit t'inspire, c'est comme si ce lieu secret te permettait de t'échapper à travers tes sentiments, comme s'il te permettait d'être déjà dehors. Alors, inconsciemment, tu saisis le marqueur que tu gardes avec toi dans la poche de ton pantalon, et tu t'approches lentement du mur, comme envoûté. Et, sans réellement réaliser ni comprendre ce que tu fais, tu le déposes contre la paroi froide et dure en face de toi, et tu le laisses glisser et danser au rythme des battements de ton cœur. Cette pièce, tu en fais ta confidente, tu te dévoiles à elle, tu lui montre ton être, et tu en fais ta libératrice. Tu continues de t'enfoncer calmement dans l'abîme des sensations, et te retrouves chutant dans le profond précipice de tes émotions, complètement emballé par la soudaine inspiration qui te frappe, te bat, te détruit, avec toute l'énergie et la volonté du monde.
Et tu adores ça.
