La tête contre le bitume. Ton sang coule. Coule tout doucement. Aussi lentement que lorsqu'on t'a frappé. C'est pas la première fois que ça t'arrive (et ce sera sûrement pas la dernière).

T'as l'habitude maintenant de te battre. On te le reproche souvent que t'es violent. Mais c'est juste ta manière d'exprimer ta colère. Tu ne saurait même pas dire d'où elle vient cette colère, c'est ça le pire. Mais elle est là, pas à pas, à côté de toi.
T'as l'habitude maintenant de camoufler les bleues. Ces traces qui se cachent si bien avec le fond de teint bon marché de ta sœur. Parce qu'il faut pas que tu te montres amoché, bousillé, gâché. Il faut que tu sois beau pour les autres, même pas pour toi parce qu'au fond tu n'en à rien à foutre.
T'as l'habitude maintenant d'avoir les regards sur toi de toute façon. T'es plus un mec, t'es une vitrine. T'aime pas ça et pourtant tu fais tout pour que ça ne change pas.
T'as l'habitude maintenant d'avoir plusieurs vie. T'es aussi bien Victor le fils à papa que Léo le dealer. Mais pour toi c'est pas des personnages que tu joues. C'est juste toi. Et pourtant tu sais que tu es née Solal, tu sais que t'es juste un moins que rien et que la seule chose que tu sais faire c'est mentir. T'es pas schizo en fait, t'es juste un foutu mythomane.
T'as l'habitude maintenant de promettre des trucs. De raconter des trucs. Des trucs que tu ne feras jamais des trucs que tu n'as jamais fait. Et ça tu le sais. Mais tu continues pourtant tes mensonges parce que de toute façon tu mens aux autres. Pas à toi même.

Mentir, faux-semblant, charlatan. Ces mot reviennent souvent. C'est pour ça que les parents t'avaient fait voir un psy avant. Mais t'as fait croire que ça t'aidais. Que tu évoluais. T'as menti. T'avais que dix ans et demi. Mais dans un sens ça arrangeait tes parents parce que c'était cher ces conneries de psy. Ils ont fermé les yeux comme si ils avaient compris que de toute façon t'étais foutu. Irréparable, inchangeable. Pourtant toi t'as pas l'impression d'être malade ou du moins tu ne l'admettras jamais.

Et le sang coule toujours le long de te joue. Comme une larme au goût amer du fer. Mais tu pleurs pas toi. Tu pleurs jamais. Tu te contentes d'agir, de mal agir. Et tu fini par te lever. Les flics sont déjà arrivés, alerté sans doute par une de ces vieilles qu'on trouve dans tout les quartiers. C'était juste un mensonge qui était aller trop loin. Juste un faux deal qui avait mal tourné. Mais l'autre pointe son flingue sur toi. Il se fout des flics, il est au dessus de la loi, au dessus de toi. Tu ne réfléchis déjà plus parce que tu n'as qu'une obsession, préserver ta liberté, protéger la seule chose à laquelle tu tiens vraiment. Alors tu cours, tu t'enfouis comme un lâche parce que c'est exactement ce que tu es. Tu es comme anesthésié, tu entends à peine les coups partir et un autre corps que le tiens tomber, tu ne sens pas l'odeur de la poudre, tu ne vois plus les personnes qui t'entourais, tu ne ressens pas la balle te traverser la peau, et tu ne te souviens de rien.

Puis tu te retrouves ici. Privé de ta liberté. Emprisonné tel un animal trop dangereux. Enfermé parce que tu n'as plus rien maitrisé, parce que tu as juste merdé.

 

Je ne sais pas, c'est difficile à dire. On ment tous plus ou moins quand on est enfant. Pour moi ça c'est juste empiré au fil des années. Ils sont devenus de plus en plus importants. Si importants que parfois je ne peux plus les contrôler. Mais je me souviens ce que ça me faisais de mentir avant. Quand j'étais moins grand. Une petite sorte d’adrénaline. Savoir que toi tu connais la vérité que les autres ne sauront jamais. J'avais sûrement les joue rouge la première fois que j'ai menti. Je veux dire  plus qu'aujourd'hui.

J'ai rencontré des filles. Je les ai même parfois appréciées. Je ne les ai jamais aimées. Au fond je pense que ça me fait peur. Plus de mensonges pour me protéger. Juste moi et mon cœur. Mais j'aimerai bien voir ce que ça fait. Juste une fois pour essayer. D'être fou de quelqu'un a en crever. Juste un regard. Un regard qui se distingue de tous ceux braqués sur moi. Il me manque que ça. Je n’attends que ça.

Oui. En effet. Je crois que je ne pourrais pas vivre sans ça.  Je ne saurais pas. Je ne sais pas comment l'expliquer. Aussi bête que ça puisse paraître j'ai besoin de mentir. Autant que je peux avoir besoin de manger ou de dormir. Pourtant ça fait du mal autour de moi. Parfois même à moi. Mais on a tous besoin d'une carapace. Et le mensonge c'est la mienne.