Froid.
Froid sur ta peau. Froid dans ton âme. Froid du bout de tes doigts jusqu'au fin fond de ton coeur. Tu es le roi pillé, le monarque dépouillé. On t'a volé couronne, sceptre et manteau d'hermine pour avoir rejeté ta favorite. Tu étais le roi de ce monde, le roi de ces dames, le roi de ce drame qu'était ta vie. Tu dirigeais tout, et cette princesse de rien s'était amourachée. Pas de toi. De ton pouvoir.

Il fait froid dans cette prison dorée. On t'a dit que tu y retrouverais tout ce que tu as perdu, tu n'as retrouvé que la douleur. Le froid. Le mur derrière toi est froid et rêche, comme la peau de Cara. Cette pauvre Cara. Cette fille du port qui se croyait déjà impératrice du monde. Ce démon qui t'a précipité dans cette fosse où ton monde se meurt chaque jour un peu plus. Tu n'es plus que le roi déchu d'un monde oublié. A cause de Cara. Cette lointaine cousine, belle à en damner un ange. Cette fille qui enviait ton âme, ton coeur et ta couronne. Elle voulait que tu l'aimes. Elle ne te demandait que ça. Et tu lui donnais cet amour, inconditionnellement. Elle était ton égale, comme la musique. Vous viviez tous les deux. Heureux.

Tu as oublié comment c'était d'être heureux. Tu te souviens de l'euphorie, quand vous vous endormiez après avoir couché ensemble. Tu te souviens ce que c'était de planer, quand vous partagiez votre couronne. Cocaïne. Cette drogue, c'était le symbole de votre pouvoir absolu, vos ailes, votre raison, votre conscience. Elle t'aimait, qu'elle disait. Elle t'aimait putain ! Et pourtant, ce soir là, elle s'est plantée devant toi, avec ces larmes dans les yeux. Elle avait le bouclier des faibles dans les yeux. La rage commençait à courir le long de tes veines. Tu ne voulais pas qu'elle fuie. Elle disait qu'elle faisait ça pour votre bien. Qu'elle voulait être libre de cette fée qui rendait tout plus beau. Qu'elle serait plus libre. Plus puissante. C'est tout ce que tu compris. Elle voulait te surpasser. Elle voulait régner sur l'Univers, elle pensait en avoir le privilège, en ayant simplement goûté à ta peau. Tu sombrais dans ta folie. Tu attrapais un couteau. Tu lui hurlais dessus. Tu veux partir ? Tu veux m'abandonner toi aussi ? Je croyais que nous deux c'était jusqu'à la fin du monde ! J'ai cru que tu serais ma reine, ma maîtresse ma favorite ! Que partager le pouvoir te suffirait ! Mais non, t'es comme ces putes ! Tu veux tout pour toi ! Mais non ! T'es pas ma mère. Je te laisserais pas partir. Nous ce sera pour l'éternité. Cette promesse là, je vais la tenir.

Elle était bloquée dans le coin de la cuisine. Tu étais tout seul avec elle. Elle était encore là, encore en sous-vêtement, encore à moitié à toi, et plus à tous ces gens qui posaient leur regard sur elle sans la connaître. Elle te regardait comme un monstre. Elle avait peur. Et c'était délectablement grisant (non. Terrifiant. Tu l'aimais, Omega. Tu l'aimais. Tu étais trop triste). Elle fit un signe religieux. Tu ne croyais plus en Dieu depuis bien longtemps. Tu étais au-dessus de tout ça (oh, que non. Tu redoutais l'Enfer comme on redoute un monstre sous notre lit). Tu n'avais peur de rien. Tu leva ton couteau et tu l'enfonças dans sa chair.

Elle résista. Ses muscles se tendirent, rendant le passage de la lame plus difficile, plus douloureux. Mais tu parvins. Les vaines et les artères tranchées commencèrent à libérer leur contenu. Elle était encore à demi-consciente, même si le sang s'écoulait tandis que le couteau était encore dans son corps. Elle murmura un seul mot. Monstre.

Monstre tu es, monstre tu resteras. On t'a balancé ici, comme si on voulait plus de toi. on t'a bourré la tête de fausse promesses, de mensonges dorés, pour te faire succomber. On t'a menti. Encore une fois. Maman était pas partie en voyage, ô mais quelle surprise ! Tu en peux plus, tu vas craquer. tu deviens cynique, mauvais. Tu veux pas qu'on te touche. Tu frappes, tu cognes, tu gueules. Tu t'habiles normalement, mais surtout pas en blanc. Parce que le blanc, c'est le froid, le froid c'est la mort. Et tu veux pas mourir, oh ça non. Tu resteras maître de ton monde, de ton univers, toi, roi de ces terres. Heureusement, y a eux. Ouais, eux deux, ces deux personnes que tu aimes. Tu sais encore aimer, et ouais, vous avez pas tout déchiré. T'es encore humain, malgré ce qu'on peut te dire. Y a Opaline, qui est jeune, ptêt trop pour toi. Trois ans de moi, est-ce que c'est beaucoup ? t'en sais rien, tu t'en fous. Y a Teora aussi. Elle, ta petite princesse. Tu la protèges. Si elle meurt, tu meurs. Ta descendante, la seule qui est assez digne pour pouvoir de succéder quand tu mourras. T'es peut être roi, mais t'es pas immortel. T'es un tyran qui tue ses enfants. Qui vole ceux des autres. Cette gamine a peut-être des parents mais tu t'en fous. Tu t'en fous toujours. Cette fille elle est à toi et plus qu'à toi. Elle est tellement mieux que Cara. Elle veut pas de ton pouvoir, elle veut même pas de ton amour. Mais elle tu l'aimeras jusqu'à la fin de tes jours. Opaline, c'est peut-être un garçon, mais lui, il vaut mieux que toutes les putes que tu as jamais croisé. Il vaut mieux qu'une gonzesse trop intéressée. Lui, il a une âme encore belle, même si elle est tourmentée.

Tu es peut-être un monstre. Mais les vrais monstres sont tous ceux qui t'ont laissé devenir comme ça. Tu les hais. Tu veux pas te sortir de là, non. Tu te laisseras faire. Tu feras tout pour finir en Enfer. T'as peut-être peur, t'as la trouille comme pas possible, mais des fois tu regardes le Paradis et tu lui craches dessus. Parce que toutes ces histoires, c'est à peine bon pour les cons.

Revenir en arrière ça j'en rêve. Ne jamais rencontrer cette gueuse, qui se donnait des airs de nobles, cette fille de nul part. Ne jamais tomber sous son charme. Ne jamais l'aimer. C'est con l'amour. C'est trop aléatoire. Ca peut vous construire un monde, comme ça peut détruire votre royaume. Ce que j'ai fait à Cara, elle le méritait. Ce n'était rien. Une larve de mouche qui se croyait papillon, une fourmi qui se croyait éléphant. Elle a voulu m'abandonner, me quitter pour être libre. Libre de m'écraser sous ses talons hauts. Je ne pouvais pas la laisser faire. Je suis maître de l'Univers. Rien n'échappe à mon contrôle absolu. Toute personne tentant de me désister par la force ou par la ruse doit se voir punie. C'est ainsi, et c'est comme ça que votre propre loi est faite.

Supérieur, oui. Moi je sais. Moi je comprends. Moi je comprends ce qui agite les tréfonds de mon âme quand je me mets en colère. Je sais comment ça s'appelle. Mégalomanie. Surestimation de ses capacités. Mais c'est faux. C'est vous qui me sous-estimez. Je suis le marionnettiste, et deux seules personnes ont le droit d'échapper en partie à mon contrôle absolu. Ma descendante et mon petit ange à moi. Les autres ne sont rien. Dans l'absolu ce ne sont que des ombres sur le sentier de ma vie. Je suis roi. Roi de quoi ? De ce monde qui est mien, de ce monde que je dirige, pareil à un chef d'orchestre.

Non. Non je mentirais en disant que ce que je ressens pour eux m'apaise ou me calme. C'est pour eux que je me bats. Pour que tous les trois on sorte de là. Je suis prêt à prendre une balle pour eux, à me faire trouer la peau pour leurs beaux yeux. Ce sont mes protégés. Je les aime putain. Et oui. Vous avez pas réussi. Vous m'avez pas cassé, vous m'avez pas brisé. Opaline je t'aime à en crever. Avec ton prénom de gonzesse et ton âme ravagée. Je serais tien jusqu'à la fin. Teora, survis, je t'en supplie. Reste toi. Folle comme ils disent ces gens froids. Trop froids. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ma colère elle vient d'eux. Des fois c'est tentant, c'est bandant de se laisser aller. De se laisser mourir. S'endormir pour plus jamais se réveiller. Mais ils sont là, enfermés. Et ils me donnent le courage d'avancer. Je ne partirai pas sans eux, plutôt crever