il est toujours tout seul.
peut-être que ça vaut mieux pour les autres,
faudrait pas qu'ils le voient se transformer en loup,
avec ses griffes et ses crocs,
et puis aussi ses cris qui chantent à la mort.
il est toujours tout seul à dessiner là,
il laisse des traces en noir seulement,
noir haine, noir ébène
il jette ses coups de peinture comme il lance ses poings contre le mur.
de temps en temps,
il y en a qui s'approchent,
qui viennent tâter la bête,
mais ils fuient en voyant son regard
de diable et de feu,
comme s'il était possédé par l'enfer.

Je vois une tête blonde mais c'est pas La Sienne.
Les autres je les connais pas, c'est que des gueules cassées, des gueules à casser, et moi je m'en donne à cœur joie même si l'autre jour une fille m'a dit qu'il fallait arrêter.
J'y peux rien.
Ils me font tanguer sur mon fil de funambule.
Je fais comme je peux pour rester bien droit dessus et eux ils viennent et ils chatouillent mes poings déjà bleus de quelqu'un d'autre, n'importe qui.
Ils viennent et ils me disent :
bah alors la petite fée ?
pourquoi tu fais semblant de ressembler à un ange ?
Ils me parlent de mon petit frère et tout ça.
Je veux bien essayer d'apprendre à sourire moi (pour mon roi) mais c'est pas facile aussi.
Et lui là-bas, est-ce que si je vais le voir je vais le taper aussi ?
Ou est-ce que ce sera l'inverse ?
Avec les gens ici j'ai toujours peur (sauf avec Charles, lui, il pose sa main sur la mienne et ça me fait presque que des papillons dans le ventre).
Avec mon pinceau je me mets juste à l'autre bout de la salle.
Je dessine des étoiles.

et puis il y a le gamin brun qui arrive
on dirait qu'il est tout léger et qu'il danse quand il marche,
un peu comme un chat guettant sa proie.
il dessine des étoiles, des bouts d'comète sur la toile,
c'est beau, ça l'émerveille félix,
la galaxie, l'univers, tout ça.
il fait un pas
puis deux,
puis six,
il s'approche doucement et il contemple :
lui aussi il voudrait dessiner du rêve
mais il n'y a que du noir qui s'échappe de son pinceau.