« merle.
oh putain, merle.

mais, qu'est-ce que t'as fait pour te retrouver ici ? t'as fait quoi, pour mettre les pieds dans ce bordel ? je t'en prie, merle, reviens moi.
reviens à moi.
je t'aime, j'veux pas que tu partes. je te veux là, près de moi. j'veux ta bouche sur la mienne, je veux les étoiles de tes yeux. j'veux ton sourire, je veux ta voix. je veux que tu sois avec moi.

londres, c'est nul sans toi.
la vie, c'est nul sans toi.

fais pas de conneries, reviens vivre ici. fais pas de conneries merle, tu sais bien que t'es pas comme ça. tu ne survivras jamais là-bas. la france, ça t'a pas réussi.
ça va te faire souffrir.
j'le sais, tu l'sais. tout le monde sait ça.
t'en es revenue couverte d'hématomes, la dernière fois. tu chialais, dans ton train, en secouant la tête, disant qu'il avait pété les plombs. mais tu l'savais avant, ça, qu'il allait faire sa crise. il fait toujours sa crise, pas vrai, papa ?

c'est pas pour rien que toi et moi, on s'est barré de là. tu t'souviens de ta tignasse rousse et de ma barbe naissante ? tu t'souviens comment on était beaux, quand on est parti de paris ? on s'sentait libre. pas de parents, pas d'enfants, pas d'emmerdements.
juste toi, moi, et nos clopes.
tu dis qu'on était cons, à ce temps-là. trop innocent pour vraiment tenter quoi que ce soit. moi j'pense pas, j'pense que c'est faux. toi et moi, merle, on a fui. on a fui loin pour sauver nos vies. on aurait pas pu vivre là où on vivait, tu sais ?

mais oui, que tu sais.
tu sais toujours.
t'es trop intelligente pour le bien d'la société.

alors pourquoi t'as joué à la conne, dis moi ? on était pas bien, toi et moi ? d'accord, c'était pas le ritz. mais on a jamais vécu dans un palace, tu sais. jamais. à paris ou à londres, on s'est toujours contenté du minimum. et ça ne t'a jamais déplu.
parce que j'étais là. et que tu m'aimais. et que je t'aimais. et que puisqu'on s'aimait, tout allait. je ne voulais rien d'autre, je ne veux rien d'autre.
si ce n'est toi.

je sais pas à quoi tu joues, je sais pas ce que tu fous. je te dirais bien que je m'en balance, mais c'est pas vrai. je t'aime trop pour t'ignorer. trop pour te laisser t'en aller.
mais j'sais pas où t'es.
j'peux pas te rejoindre, pas vrai, si tu ne me dis pas où t'es passée ?
dis moi, s'il te plait. merle, dis moi.

j'peux pas vivre sans toi. »

merle, c'est toi. enfin, tu crois. parce que faut dire que depuis quelques temps, tu n'sais plus trop qui tu es.
à part ta clope, t'as personne sur qui compter. t'aimerais bien t'attacher mais t'y arrives pas. pas faute d'essayer.
mais t'as des amis, ici. c'est pas le problème.

non, le problème, c'est toi.
ça a toujours été toi.
il peut dire ce qu'il veut, t'es un problème à l'état pur.

t'es trop ceci, trop cela. toujours avec ta clope, jamais avec tes cours. t'es plus intelligente que la moyenne mais tu n'en as rien à faire, tu fous toujours tout en l'air.
t'as un don pour dégueulasser les choses, pour les détruire.

t'es une bombe, merle.
une bombe qui va exploser.
qui l'a déjà fait.
tu t'es contentée de regarder, sans rien dire, sans rien faire, et t'as tout raté. t'es qu'une raté, t'en es persuadée.

si tu n'l'étais pas, comme il le prétend si bien, pourquoi tu serais là ? pourquoi, de toi même, tu serais venue ici ?
t'as bien compris que tu blesses les gens. tu pars trop vite, tu penses à toi avant de penser à eux. tu peux dire tout ce que tu veux, faire la gentille, t'es tellement naïve que tu ne te soucies pas du monde.

t'es l'innocence, merle.
t'es l'égoïsme, aussi, parfois, quand t'as envie.
tu as du mal à tisser des liens car tu te raccroches à lui, à tout ce qui s'est passé.

et quand papa frappait maman, tu ne disais rien. et quand il sortait la ceinture, tu ne disais rien. ta mère, même avec ses bleus, te disait de te taire. parce qu'elle t'avait promis que tout allait bien se passer, tu la croyais.

t'es trop conne, merle.
la preuve, tu t'es seulement bougée quand elle est morte.
le temps d’appeler les flics, de tout raconter, de faire tes bagages et voilà que tu t'étais barrée. ta main dans la sienne, tu filais vers londres.

tu voulais oublier.
tu voulais te punir.
tu voulais partir.

alors t'as pris la lame, tu l'as enfoncée une dernière fois. tu t'es promis que c'était la dernière, puis t'as lâché la seule personne à qui tu tenais vraiment. t'es repartie en france, tu t'es pointée chez ton père, tu lui as parlé. il t'a frappée. tu t'es barrée. et t'es venue ici.

et maintenant, tu viens de voir sa lettre.
tu viens de chialer, parce que tu l'aimes. et que tu l'as laissé.

t'as tout brisé.
comme à chaque fois.